lundi 29 avril 2013

Livre : "Le plus vieux métier du monde ?" de Claudine Legardinier

"Le plus vieux métier du monde ?" de Claudine Legardinier, dessins de l'illustratrice cAro-igano, éd. Les points sur les i (2012), 12 euros.
présentation sur le site de l'éditeur ICI... et dossier de presse à télécharger ICI... Il existe aussi un Facebook du livre.


Lire un article entretien avec Claudine Legardinier (mars 2011) toujours d'actualité.

"Le plus vieux métier du monde ?" est un livre informatif qui aborde le sujet simplement avec de nombreuses références.


Illustration (cliquer dessus pour agrandir) : photo montage de l'artiste Nelly Trumel avec les photos de l'évènement "Abolition 2012" à Paris.

En voici quelques extraits (j'ai mis en gras quelques phrases):  

"La prostitution, un sujet secondaire ? À voir les réactions passionnelles, et souvent outrancières, qui accompagnent le débat et notamment l'éventuelle pénalisation des "clients" (qui après tout sont une minorité d'hommes !), on peut penser que les enjeux en sont au contraire des plus cruciaux." (p. 5)

"Le système prostitueur n'est pas à remettre en cause pour des raisons moralisantes mais parce qu'il est contraire aux plus élémentaires droits humains" (p.8) 
-> Cette phrase résume les raisons de ma position abolitionniste. 

"[prostitution :] l'Américaine Andrea Dworkin en donne une parfaite définition à froid : 'La prostitution n'est pas une idée. C'est la bouche, le vagin, le rectum, pénétrés d'habitude par un pénis, parfois par des mains, parfois par des objets, pénétrés par un homme et un autre et encore un autre et encore un autre et encore un autre. Voilà ce que c'est.'" (p.22)
-> a le mérite de la clarté !

"En ratifiant la Convention de l'ONU en 1949 contre la traite des êtres humains et l'exploitation de la prostitution d'autrui, notre pays a affirmé une position qu'il lui faut consolider." (p.24)

"... Car la prostitution parle de tout sauf de liberté sexuelle. La sexualité qu'elle défend est une sexualité aux ordres des dominants et du profit. (...)
En réalité c'est la prostitution qui constitue une pièce maîtresse de l'ordre moral. Gardienne d'une conception victorienne du monde où seul l'homme décide, désire, dispose, où rien ne doit freiner son droit au sexe, elle n'est rien d'autre qu'un héritage de l'ordre bourgeois d'un 19e siècle hygiéniste, raciste et homophobe qui a consacré l'enfermement et la relégation des femmes dans l'espoir de préserver la famille et de contrer l'homosexualité." (p.28)


"Tout ce qui porte le beau nom de culture contribue depuis des siècles à la normalisation de la prostitution, à son esthétisation. La responsabilité des intellectuels et des artistes est majeure dans l'orchestration de cette mythologie. Le bordel par exemple reste un fantasme increvable, un fleuron de la culture et du patrimoine. L'art, la littérature, le cinéma... Tous l'ont porté au pinacle. Quel lieu esclavagiste, sur cette planète, peut bénéficier d'autant d'aura ? (p.36)

(...) En la matière, ceux qui ont la parole ont tout loisir de formuler pour les autres - les plus exclu-es - un "droit" d'être prostitué-e dont ils ne voudraient ni pour eux-mêmes, ni pour leurs enfants. " (p.38)
 
"Il est de bon ton, d'ailleurs, de comparer tout et n'importe quoi à la prostitution. Pêle mêle, l'écriture (je prostitue ma plume), la recherche (je prostitue mon cerveau)... La réalité sociale compte pour rien liquidée dans l'élégance d'une phrase. La confusion est devenue un mode de pensée. Caissière, employée de fast food ou prostituée, c'est la même chose désormais. Passer des boîtes de petits pois sur un tapis ou faire une fellation à un type qui vous met à genoux ne fait pas de différence. On voit bien que ceux qui en parlent n'ont jamais été confrontés à de tels "choix"." (p.41) 

"Médias, une propagande tenace"
Quand il s'agit d'assigner les femmes au rôle de prostituées, le message est récurrent. Le cinéma s'évertue à leur rappeler que leur place est dans une chambre de passe. Quelle actrice a pu échapper au rôle de prostituée ? (...)
Les petites filles risquent peu de s'identifier à des cosmonautes ou à des présidentes..." (p. 45)


"La liberté de se prostituer, une construction politique".
(...) En imposant dans les années 1990 le concept de "prostitution forcée", les Néerlandais ouvraient les premiers des avenues à la "prostitution libre" et donc à la libéralisation du "marché". (...)
Personne ne semblait plus se souvenir que la prostitution était jusque dans les années 1980 considérée par l'ONU comme une "violation des droits humains" ou une "forme d'esclavage imposée à des femmes"" (p.49)


"... Comment se révolter contre une réalité dont la société serine qu'elle est une nécessité sociale ou "un métier comme un autre" ? On ne se révolte pas contre la fatalité. C'est bien pourquoi les clichés sur "le plus vieux métier du monde" ont une fonction politique : celle de réduire ses victimes au silence et à la résignation." (p.60)

"Les prostituées sont régulièrement confrontées à des demandes brutales: rapports sans préservatif, pratiques scatologiques, etc. 'Les clients ont déjà chez eux une femme, alors quand ils viennent dans un salon, ils veulent quelque chose de spécial' témoigne une femme kenyane."  (p.76)

"Alors que tout le travail de civilisation consiste précisément à brider les pulsions primaires pour permettre la vie en société et garantir ses valeurs (refus des pulsions de meurtre, des pulsions de violence), le système prostitueur aménage un territoire où la pulsion, brute de décoffrage, est invitée à s'exprimer. La prostitution est bel est bien le lieu suprême du défoulement"... (p.83)

"En accordant aux lobbys proxénètes le statut d'hommes d'affaires dont ils rêvaient, nos voisins [Pays Bas, Allemagne, Suisse, Catalogne] ont ouvert la boîte de Pandore. Les prostituées sont au moins aussi exploitées, si ce n'est plus, mais les proxénètes, c'était le but, sont devenus les rois du pétrole." (p.105)

"La France, qui a voté à l'unanimité la réaffirmation de sa position abolitionniste le 6 décembre 2011, doit tenir le cap. "En France, on a la chance d'avoir une politique moins attractive pour les malfaiteurs" exliquait le commissaire Souvira, ex-directeur de l'Ocrteh, Office Central de Répression de la Traite des Êtres Humains. La loi française, qui permet à la police d'ouvrir une enquête même sans plainte de la personne prostituée, est essentielle. "Sinon, il n'y aurait jamais d'affaires !" affirme le commissaire Martinez, de la DIPJ de Marseille." (p.116)

"L'abolition du système prostitueur s'inscrit dans la continuité du combat contre le droit de cuissage, contre le viol, le viol conjugal et le harcèlement sexuel. C'est à dire dans le combat contre la mise à disposition du corps des femmes, et donc de leur personne, au profit du "plaisir" masculin." (p.131)

"La prévention de la prostitution elle-même mais aussi du clientélisme, faire émerger une nouvelle génération d'hommes non clients - est inséparable d'une politique éducative à l'égalité..." (p.144)

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Alors je vous recommande chaleureusement ce livre ! "Le plus vieux métier du monde ?" de Claudine Legardinier, dessins de l'illustratrice cAro-igano, éd. Les points sur les i (2012), 12 euros.