jeudi 2 octobre 2008

“Les femmes politiques en France, de 1945 à nos jours” de Séverine Liatard


Ce livre trace 22 portraits de femmes politiques de tous bords qui se sont exprimées dans le cadre de l'émission 'La fabrique de l'histoire' sur France Culture en août 2007. L'auteure, Séverine Liatard “resitue ces itinéraires dans la vie politique, sociale et culturelle française et s'interroge sur la place faite aux femmes politiques dans notre pays”.

En racontant leur parcours, ces femmes politiques abordent :

* le féminisme, en se positionnant,
* la parité,
* les questions de contraception et d'avortement,
* le machisme en politique,
* si les femmes font de la politique autrement ou pas,
* comment une fois élue elles ont tenté d'agir pour la condition féminine,
* les mesures qui, selon elles, permettraient une meilleure parité, etc.
C'est fascinant de les voir souvent se rejoindre sur ces questions malgré leurs différences politiques.
Ah j'ai appris un truc génial, dit par plusieurs femmes politiques, c'est que le féminisme protège en partie des réflexions et attitudes sexistes. Les hommes font + attention quand ils savent que telle femme politique est féministe ! bonne nouvelle ! ;o)
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Quelques extraits :


>> “L'affranchissement des femmes est dans la conscience de leur autonomie mais aussi dans leur propre détermination” (Nicole Ameline, UMP)

>> “Etre une féministe en politique protège un peu du sexisme ordinaire : "cela implique une certaine retenue chez les hommes qui se disent : si je dis un mot de travers, elle va m'étriper'” (Clémentine Autain, apparentée communiste)

>> “Les femmes politiques ont peut-êre une autre vision de la politique et sont moins prêtes à tout sacrifier pour faire carrière : ‘Elles ont l'impression que leur vie n'est pas toute entière là-dedans et je crois qu'elles ont raison. Il est donc souhaitable que ce modèle-là devienne un modèle de société et non pas seulement un modèle pour les femmes” (Huguette Bouchardeau, apparentée PS)

>> “Quand je sortais de ma voiture, les photographes étaient couchés par terre pour photographier mes jambes.” (Édith Cresson, PS)

>> “La résistance masculine a toujours été très vivre et ne croyez pas qu'elle l'est moins maintenant, en dépit des apparences. Il y a des textes de loi qui contraignent à la parité mais si les hommes s'inclinent, ce n'est pas de gaieté de coeur. L'attitude que le Parti socialiste a eu vis-à-vis de Ségolène Royal nous en donne une image, car elle a été torpillée davantage par ses amis que par ses adversaires" ... "Aujourd'ui encore, malgré la loi sur la parité, le parrainage masculin semble primordial.” (Marcelle Devaud, parti républicain)

>> “C'est extraordinaire : il existe cette peur, toujours aujourd'hui chez les hommes, que les femmes fassent alliance. Donc il serait intéressant qu'elles s'allient, non pas sur tout, mais sur un certain nombre de points”. (Françoise Gaspard, PS)

>> “Fabienne Keller se souvient que, sur les 44 élus du Bas-Rhin, il n'y avait alors aucune femme (en 1992). Une réflexion de ses adversaires l'a d'ailleurs beaucoup motivée : ‘l'UDF est sûre de perdre, la preuve, ils ont choisi une femme’. De tels sarcasmes ne font que réactiver son combat, qui se révèlera payant puisque à la surprise générale, elle arrive en tête au premier tour.” (Fabienne Keller, UMP)

>> “Nathalie Kosciuko-Morizet part du constat que les femmes sont très présentes dans les mouvements de jeuensse, puis s'effacent au profit des hommes entre 25 et 45 ans parce qu'elles choisissent souvent d'avoir des enfants et qu'il est très difficile pour une femme de concilier vie familiale et vie politique. Or "on met du temps à faire sa place dans le monde politique, en France particulièrement. De ce fait, les femmes auront toujours, globalement, des positions plus accessoires, plus marginales. Il est donc important qu'elles s'investissent jeunes et ne s'arrêtent pas, comme c'est le cas pour les hommes” (Nathalie Kosciuko-Morizet, UMP)

>> “Arlette Laguiller, déjà porte-parole de LO aux législatives de 1973, devient la candidate du parti à l'élection présidentielle de 1974. Elle déclare alors : ‘Oui, je suis une femme, et j'ose me présenter comme candidate à la présidence de cette république d'hommes’."
"Alors que les préoccupations de la population en matière politique se rattachent souvent à ces domaines (social, enfance, famille, cadre de vie), ceux-ci ne font pourtant jamais partie des priorités en politique." "Parité : selon Arlette Laguiller le problème se situe en amont, puisqu'il est toujours plus difficile pour les femmes de s'engager et de militer, en raison notamment du non-partage des tâches quotidiennes et familiales”. (Arlette Laguiller, LO-LCR)

>> “Quand une femme parle, elle est toujours davantage regardée, brocardée, épinglée à la moindre défaillance. Les femmes politiques demeurent sous surveillance et doivent encore faire la démonstration qu'elles sont compétentes pour exercer des responsabilités. Leur apparence physique et leurs tenues vestimentaires font également toujours l'objet de multiples commentaires.” (Martine Legrand, PS)

>> “Pour Annick Lepetit, les électeurs ne sont pas misogynes. Elle n'a jamais ressenti d'hostilité ou de méfiance de leur part au motif qu'elle était une feme. En revanche, au sein de l'appareil politique, dès qu'une femme commence à gravir les marches, à avoir certaines ambitions, les hommes s'en méfient.” (Annick Lepetit, PS)

>> “Adrienne Maire : son engagement était passionné, instinctif et militant. Elle voulait agir moins en femme qu'en communiste, et elle considère ‘normal’ que ce soit le parti qui ai décidé de sa carrière” (Adrienne Maire, PC)

>> “a pleinement conscience que la question de la prise de parole est l'un des handicaps féminins en politique” (Monique Pelletier, UDF)

>> “Une place pour une femme est une place en moins pour un homme” ...
“5 anciennes ministres de gauche et 5 anciennes ministres de droite signent en commun un texte en faveur de la parité qui débouche, après de tumultueux débats sur l'inscription de ce principe dans la Constitution ... Nous avions les mêmes histoires à raconter parce que les hommes sont les hommes avec les femmes qu'ils soient de droite ou de gauche... Pendant 8 jours il y a eu ce grand panneau où nous étions toutes les 10 photographiées, cela a créé un choc. (...) mais j'ai failli me faire blâmer, expulser du parti, parce qu'on ne doit pas frayer avec la droite. Moi je pensais que sur un sujet comme celui-ci nous pouvions trouver des accords qui traversent toutes les familles politiques.” (Yvette Roudy, PS)

>> “Un peu plus tard, Simone Veil milite en faveur de la parité. Lorsqu'elle est désignée pour présider le Parlement européen, en 1979, elle se souvient qu'un certain nombre d'hommes étaient furieux qu'une femme puisse exercer de telles fonctions. Au cours de ce mandat, elle impose la mise en place d'une commission des droits de la femme dont Yvette Roudy aura la charge.” (Simone Veil, UDF)

“les femmes politiques en France de 1945 à nos jours”, de Séverine Liatard,
éd. Complexe (2008), 225 pages, 19 euros.